1. Rappel du dispositif antérieur à l’entrée en vigueur de la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023

La loi n°2020-1525 du 7 décembre 2020 a réformé la procédure d’évacuation forcée prévue à l’article 38 de la loi « DALO » n°2007-290 du 5 mars 2007.

En effet, aux termes de l’article 38 de la loi n°2007-290 du 5 mars 2007, en vigueur avant la loi du 27 juillet 2023, trois conditions devaient être réunies au préalable pour mettre en œuvre la procédure prévue à l’article 38 de la loi « DALO » :

  • Une plainte ;
  • Une preuve que le logement occupé illicitement constitue le domicile du demandeur ou de la personne pour le compte de laquelle il agit ;
  • Un constat de l’occupation illicite par un officier de police judiciaire, laquelle peut être faite en flagrance.

Une procédure de saisine du Préfet pouvait s’ouvrir mais celui-ci devait réagir dans les 48 heures sans que la trêve hivernale ne puisse s’appliquer et à condition qu’il y ait bien une situation de « squat » et non un maintien dans les lieux d’un locataire.

Ensuite, une mise en demeure de quitter les lieux était signifiée, assortie d’un délai d’exécution qui ne pouvait être inférieur à 24 heures, à l’issue duquel il pouvait être procédé à l’exécution forcée.

2. Les modifications apportées par l’article 6 de la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023

a – En ce qui concerne le renforcement de la notion pénale du domicile

L’article 6 de la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite modifie l’article 38 de la loi n°2007-290 du 5 mars 2007.

 Tout d’abord, l’article 6 vient modifier les dispositions de l’article 226-4 du Code pénal en réprimant d’une part, « l’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet ».

Les peines en la matière sont triplées par rapport au texte précédent puisque la sanction est fixée dorénavant à « trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende ».

D’autre part, l’article 6 précise la notion pénale du domicile qui doit être entendue comme étant « tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non ».

Ainsi, le régime des dispositions de l’article 226-4 du Code pénal s’applique désormais aussi aux résidences secondaires et autres lieux d’habitation contenant des biens meubles.

Tout d’abord, il résulte de ce qui précède que ces modifications permettent d’étendre la procédure visée à l’article 38 de la loi « DALO » au squat d’un local d’habitation, qu’il soit meublé ou non. De fait, les logements occupés par des squatteurs entre deux locations ou juste après l’achèvement de la construction, avant que le propriétaire n’ait eu le temps d’emménager seraient ainsi éligibles à la procédure d’évacuation forcée préfectorale.

Ensuite, l’article 38, dans sa rédaction issue de l’article 6 de la loi du n°2023-668 du 27 juillet 2023, rend applicable la procédure d’expulsion et d’évacuation au cas de maintien illicite dans le logement, sans qu’il soit nécessaire que l’introduction dans le logement ait été effectuée illicitement.

La liste des personnes pouvant constater l’occupation illicite du logement se trouve également élargie aux maires et aux commissaires de justice (anciens huissiers de justice), en sus des officiers de police judiciaire, qui étaient auparavant les seuls habilités à constater l’occupation illégale.

b- En ce qui concerne la mise en place d’une nouvelle procédure devant le juge administratif

Le nouvel article 38 crée également une obligation pour le préfet d’adresser, dans un délai de 72 heures, une demande à l’administration fiscale pour établir la preuve des droits de la personne lésée par le squat, lorsque celle-ci ne peut en apporter la preuve par elle-même.

A l’issue de cette demande, s’il s’avère que la résidence est bien celle du demandeur, le Préfet doit mettre en demeure les occupants illégaux de quitter les lieux dans un délai minimum de 24 heures pouvant aller jusqu’à 7 jours. Néanmoins, avant de procéder à l’expulsion, l’autorité préfectorale doit avoir pris en considération la situation personnelle et familiale de l’occupant illégal.

Enfin, l’article crée et prévoit la possibilité de saisir le juge administratif d’une procédure en référé tendant à suspendre l’exécution de la décision prise par l’autorité préfectorale (L. 521-1 à L. 521-3 du Code de justice administrative).

Cette nouvelle procédure ouverte devant le juge administratif vise à concilier et trouver l’équilibre entre d’une part, le droit de propriété et d’autre part, le droit à un recours juridictionnel effectif consacré notamment par la Cour européenne des droits de l’Homme et par la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Cela démontre également le rôle, toujours plus affirmé, du juge administratif dans la protection des droits fondamentaux en assurant à la fois la soumission de l’administration au principe de légalité et la protection des droits subjectifs des citoyens.

Sources :

Loi n°2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite

Article 38 de la loi n°5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale

Article 226-4 du Code pénal

Circulaire du 23 novembre 2023 de présentation des dispositions de la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023, CRIM 2023-19/H3-22/11/2023

Maitre Inam AUDOUARD

Maitre Benjamin VINCENS-BOUGUEREAU