Par une décision rendue le 11 mars 2024, le Conseil d’Etat confirme qu’une autorisation d’urbanisme obtenue par fraude ne peut pas faire l’objet d’une régularisation sur le fondement des dispositions de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme (CE, 11 mars 2024, n° 464257).

Pour mémoire, les dispositions de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme prévoient que lorsque le Juge Administratif estime qu’un vice entraînant l’illégalité du permis est susceptible d’être régularisé, il doit surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour l’intervention d’une régularisation.

Or dans cette affaire, un pétitionnaire avait obtenu du Maire de la Commune de Saint-Raphaël, un permis en vue de la construction d’une maison d’habitation en R+1 en lieu et place d’un garage existant.

Saisi par les voisins de ce projet, le Tribunal administratif de Toulon avait annulé ce permis aux motifs qu’il méconnaissait les règles du PLU relatives aux aires de stockage des ordures ménagères ainsi que les règles relatives à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives.

Le Tribunal avait en outre constaté que le pétitionnaire avait commis une fraude afin de bénéficier de la dérogation aux règles de distance prévues par le PLU.

Alors que les deux vices retenus auraient pu faire l’objet d’une régularisation sans apporter au projet un bouleversement tel qu’il changerait la nature du projet de construction, le Tribunal administratif de Toulon s’en était toutefois tenu à une annulation sèche du permis de construire.

Saisi par la Commune de Saint-Raphaël, le Conseil d’Etat devait ici se prononcer sur la mise en œuvre par le Juge Administratif des pouvoirs de régularisation qu’il tient de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme.

Dans un premier temps, et après avoir rappelé les dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a confirmé que :

« 7. Toutefois, le juge ne peut faire application de ces dispositions lorsque l’autorisation d’urbanisme dont il est saisi a été obtenue par fraude. ».

Dans un second temps, le Conseil d’Etat a estimé qu’en l’espèce le Tribunal administratif n’avait ni méconnu son office ni commis d’erreur de droit au regard de la fraude commise par le pétitionnaire.

« 9. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la construction autorisée par le permis de construire était implantée à moins de six mètres de la limite séparative et que le pétitionnaire se prévalait, au soutien de cette implantation dérogatoire, d’une construction existante. Pour juger que le permis méconnaissait la règle énoncée au point 8, le tribunal administratif s’est fondé, par des motifs non contestés en cassation, sur ce que l’appentis en cause, accolé au garage, était en réalité en ruines et ne pouvait, de ce fait, être qualifié de construction existante. Il a également jugé, par des motifs non davantage contestés, que l’auteur de la demande de permis, qui ne pouvait ignorer cet état de fait, avait sciemment induit la commune en erreur en présentant cet appentis comme un bâtiment existant sur les plans joints à sa demande, ainsi qu’en omettant de joindre au reportage photographique qu’il avait annexé à cette demande une photographie de la façade nord du garage, à laquelle était adossée l’appentis en ruine, commettant ainsi une fraude afin de bénéficier d’une règle d’urbanisme plus favorable. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 qu’en s’abstenant, dans ces circonstances, de mettre en œuvre les dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif n’a pas méconnu son office, ni commis d’erreur de droit. »

Comme le souligne le Rapporteur public dans ses conclusions, et afin de ne pas encourager les fraudes, il appartiendra donc au pétitionnaire dont le permis contesté sera affecté d’une fraude de solliciter un nouveau permis – et non une régularisation – quand bien même le projet présenté sans fraude ne serait pas radicalement différent.

Melissa MATHIAN

Benjamin VINCENS-BOUGUEREAU