Les Collectivités Territoriales ont systématiquement recours à un Maître d’œuvre, le plus souvent sous la forme d’un groupement comprenant les principaux intervenants dont la compétence spécifique est requise afin d’apporter une assistance au Maitre d’ouvrage dans la conception d’un ouvrage : architecte, bureaux d’études, économiste de la construction…

Toutefois, l’exécution de tels contrats qui ont pour but d’apporter une réponse architecturale, technique et financière à un programme de construction souhaité par le pouvoir adjudicateur, est loin d’être un long fleuve tranquille et peut révéler en cours d’exécution des difficultés insurmontables  imposant de mettre un terme aux relations contractuelles : réponse architecturale insatisfaisante, dépassement de l’enveloppe financière prévisionnelle, insuffisance des études…

Alors que la sortie d’un marché de travaux ou de fournitures impose le plus souvent de procéder à une résiliation anticipée, pour faute ou motif d’intérêt général mais dans tous les cas avec des risques contentieux et/ou indemnitaires importants, la spécificité des marchés de maîtrise d’œuvre se retrouve également dans le mécanisme d’arrêt de l’exécution des prestations.

Ainsi, en application de l’article 20 du CCAG Prestations Intellectuelles, et sous réserve:

  • que les stipulations du CCAP du marché prévoient une telle possibilité ;
  • que le marché détaille les éléments de missions (ou parties techniques) assortis d’un prix,

le pouvoir adjudicateur est en mesure de prononcer, au terme de chacun de ces éléments de mission, un arrêt de l’exécution des prestations du marché de maîtrise d’œuvre.

Une telle décision d’arrêt des prestations a pour effet de mettre un terme au marché et s’apparente à une résiliation unilatérale du contrat, mais dépourvue de caractère fautif.

Désormais fixées par les articles R. 2431-8 et suivants du Code de la Commande Publique et par l’arrêté ministériel du 22 mars 2019, ces éléments de mission s’apparent aux phases techniques d’une mission complète de maîtrise d’œuvre,  traditionnellement reprises dans le marché : Esquisse (ESQ), Etudes d’Avant Projet (AVP, Etude de Projet (PRO), Assistance pour la passation des contrats de travaux (ACT), Etudes d’Exécution (EXE), Direction de l’exécution et le pilotage du chantier (DET et OPC), Assistance lors des opérations de Réception (AOR).

Il s’agit donc d’identifier le niveau d’avancement du marché et à la fin de quelle phase technique la Collectivité entend, le cas échéant, prononcer l’arrêt de l’exécution des prestations.

A cet occasion, il appartiendra au pouvoir adjudicateur de vérifier au préalable qu’il n’ait pas, sous quelque forme que ce soit (courrier, ordre de service, demande de documents…) ordonné au maître d’œuvre d’initier une nouvelle phase technique ou même a incité ce dernier à le faire. (Cour Administrative d’Appel de Nantes 23 février 2018, req n° 16NT02106)

A l’instar de toute décision valant résiliation, la décision d’arrêt des prestations doit être signée par l’exécutif de la Collectivité, sous réserve que ce dernier dispose d’une délégation portant sur l’exécution de marchés publics lui ayant été octroyée sur le fondement de l’article L. 2122-22 du CCGT.

A défaut, il devra être autorisé au préalable expressément par l’organe délibérant de la Collectivité.

Une telle décision :

  • n’a pas à être précédée d’une quelconque mise en demeure (CAA de Versailles 5 avril 2012, req n° 10VE00067).
  • doit être notifiée en recommandé avec accusé de réception au titulaire du marché de maîtrise d’œuvre ou le cas échéant au mandataire du groupement ;
  • doit être motivée, en faisant clairement apparaître le motif sus évoqué de l’arrêt de l’exécution des prestations de même qu’en mentionnant les références applicables du CCAP et du CCAG.

Pour autant, l’arrêt des prestations constitue une modalité de résiliation unilatérale du marché n’offrant aucun droit à indemnité pour le titulaire tenant notamment à la perte de chance de pouvoir exécuter les autres missions contractuellement prévues au marché.

Une fois la décision d’arrêt des prestations notifiée au titulaire du marché de maîtrise d’œuvre, il appartiendra alors à la Collectivité d’établir un décompte de résiliation du marché et ce dans les conditions de l’article 34 du CCAG PI.

Ainsi, et par dérogation aux modalités d’établissement des décomptes généraux intervenant au terme du marché, la Ville ne doit pas solliciter du titulaire qu’il établisse le projet de décompte final.

Ce décompte, qui doit être notifié au titulaire postérieurement à la décision d’arrêt des prestations, doit retracer l’ensemble des prestations réalisées par le titulaire avant la résiliation, et ayant été réceptionnées par la Collectivité, et doit faire état des sommes dues en application de chacune des phases techniques réalisées.

Ce décompte de résiliation devra également, le cas échéant, faire expressément état de l’ensemble des prestations non exécutées ou souffrant d’une exécution défaillante.

Ainsi, et a défaut d’une telle mention, la Collectivité serait réputée avoir renoncé à toute réclamation sur les éléments en cause, ainsi que le considère le juge administratif de manière constante (Conseil d’Etat 19 novembre 2018, req n°408203).

                                                                                              Sébastien THOINET

                                                                                                  Avocat Associé