Par un jugement en date du 19 mars 2025 n°2300070, Fédération ardéchoise et drômoise de Libre Pensée, le tribunal administratif de Lyon a partiellement annulé la décision du colonel commandant le groupement de gendarmerie de l’Ardèche d’organiser, le 30 novembre 2022, une célébration de la Sainte-Geneviève, en tant que celle-ci comportait un office religieux dans une église.

 

La décision d’une autorité publique d’organiser une journée de célébration comportant un office religieux suivi d’un vin d’honneur peut être une décision attaquable devant la juridiction administrative.


L’exception d’irrecevabilité soulevée par le ministre de l’Intérieur, fondée sur la nature prétendument insusceptible de recours de la décision attaquée (qualifiée de mesure d’ordre intérieur), est écartée par le tribunal. En effet, l’événement litigieux — en particulier l’office religieux — est susceptible d’affecter le principe de laïcité et, partant, de faire grief : il s’agissait donc bien d’une décision attaquable.


Une atteinte au principe de neutralité, selon le Tribunal Administratif de Lyon, seulement s’agissant de l’office religieux.

 

Dans cette décision, le tribunal de Lyon retient que l’organisation d’un office religieux, dans un lieu de culte extérieur à l’enceinte militaire, avec la participation de militaires en tenue de cérémonie, la constitution d’une haie d’honneur, l’accueil des autorités civiles dans l’église par la hiérarchie militaire, et la mobilisation de moyens humains pour assurer la sécurité de l’office, excède les exigences de neutralité du service public.


Le juge administratif Lyonnais considère ainsi que, si la Sainte-Geneviève a acquis une signification symbolique au sein de la gendarmerie, son caractère religieux demeure indissociable de l’office célébré. Cette participation officielle, dans les conditions évoquées plus haut, caractérise une reconnaissance d’un culte contraire à l’article 1er de la Constitution, qui consacre le principe de laïcité et impose à l’État une stricte neutralité à l’égard des religions.

 Conclusion


Le tribunal n’annule la décision que partiellement : seule est censurée l’organisation de l’office religieux. Les autres éléments de la célébration (vin d’honneur, discours, journée de cohésion) ne sont pas jugés contraires aux exigences de neutralité.


Ce jugement illustre la ligne de crête sur laquelle se situe la jurisprudence administrative en matière de laïcité : les traditions institutionnelles peuvent être admises dès lors qu’elles ne traduisent pas une préférence religieuse, ni une reconnaissance d’un culte, en particulier dans les formes qu’emprunte leur mise en œuvre. L’expression d’une symbolique religieuse ne peut se faire au prix d’un engagement institutionnel de l’administration publique dans l’organisation matérielle d’un culte.

 

Benjamin VINCENS-BOUGUEREAU, Avocat Associé