Par sa décision n°2024-1108 DC du 18 octobre 2024, le Conseil constitutionnel a consacré comme ayant valeur constitutionnelle le droit de se taire pour tout individu faisant l’objet de poursuites, en rendant notamment ce principe désormais applicable aux procédures disciplinaires administratives.
Ainsi, toute personne faisant l’objet d’une procédure disciplinaire doit être informée de son droit de garder le silence avant d’être entendue sur les manquements qui lui sont reprochés.
Par un arrêt du 19 décembre 2024 n° 490952, le Conseil d’Etat est venu préciser de manière très claire la portée de l’obligation de notification du droit de garder le silence et dans le même temps il a vidé le droit consacré par le Conseil constitutionnel d’une grande part de sa substance :
« 3. Ces exigences impliquent qu'une personne faisant l'objet d'une procédure disciplinaire ne puisse être entendue sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu'elle soit préalablement informée du droit qu'elle a de se taire. Il en va ainsi, même sans texte, lorsqu'elle est poursuivie devant une juridiction disciplinaire de l'ordre administratif. A ce titre, elle doit être avisée qu'elle dispose de ce droit tant lors de son audition au cours de l'instruction que lors de sa comparution devant la juridiction disciplinaire. En cas d'appel, la personne doit à nouveau recevoir cette information.
4. Il s'ensuit, d'une part, que la décision de la juridiction disciplinaire est entachée d'irrégularité si la personne poursuivie comparaît à l'audience sans avoir été au préalable informée du droit qu'elle a de se taire, sauf s'il est établi qu'elle n'y a pas tenu de propos susceptibles de lui préjudicier. D'autre part, pour retenir que la personne poursuivie a commis des manquements et lui infliger une sanction, la juridiction disciplinaire ne peut, sans méconnaître les exigences mentionnées aux points 2 et 3, se déterminer en se fondant sur les propos tenus par cette personne lors de son audition pendant l'instruction si elle n'avait pas été préalablement avisée du droit qu'elle avait de se taire à cette occasion ».
Ainsi, la notification du droit de garder le silence doit avoir été faite sous peine d’entacher la décision de la juridiction disciplinaire d’irrégularité, mais le Conseil d’Etat assortit toutefois ce principe d’une précision : l’absence de notification du droit de se taire n’est pas une cause d’annulation s’il est établi que pendant l’audience, l’agent poursuivi n’a pas tenu de propos susceptibles de lui porter préjudice".
Par cette décision, le Conseil d’Etat ramène un peu de pragmatisme en exigeant finalement qu’un vice de procédure n’entraîne l’annulation d’une décision que si le requérant peut prouver un préjudice. Ce faisant, il vient aussi « sauver » la plupart des procédures disciplinaires engagées juste avant la décision du Conseil constitutionnel.
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000050803826
Emmanuelle VIEUX-ROCHAS et Jocelyn AUBERT