Le Premier Ministre l’a annoncé lundi 23 mars dans son allocution télévisée, une série de nouvelles mesures destinées à lutter contre le coronavirus seraient prises.

C’est chose faite puisque des mesures de durcissement du confinement ont été adoptées par un décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 également publié au JO de ce jour (d’entrée en vigueur immédiate) : elles visent principalement une plus stricte limitation des déplacements récréatifs, la fermeture des marchés et la réquisition de tous les masques de protection présents ou produits sur le territoire national.

Les préfets voient aussi leurs pouvoirs accrus.

S’agissant des déplacements et des transports, l’article 3 du Décret 2020-293 vient préciser ce qu’il faut entendre par activité physique individuelle.

Désormais, les sorties sportives doivent s’effectuer de manière individuelle, dans la limite d’une heure par jour et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile. Les promenades des membres d’un même foyer peuvent s’effectuer dans les mêmes conditions. Il est à noter que, si lors de son allocution télévisée le Premier Ministre indiquait qu’il faudrait désormais inscrire l’heure de sortie sur son attestation de déplacement dérogatoire, rien n’est prévu à ce sujet dans le décret : la prudence étant de mise on pourra recommander d’inscrire l’heure de sortie sur l’attestation sur l’honneur.

Ce même article 3 confirme, en son III que le Préfet peut « adopter des mesures plus restrictives en matière de trajets et déplacements des personnes lorsque les circonstances locales l’exigent ».

Même si l’Etat souhaitera sans doute (et légitimement) coordonner les mesures de police en la matière, ce pouvoir des préfets n’est pas exclusif de l’exercice des pouvoirs de police des maires comme l’a rappelé le Conseil d’Etat dans sa décision n°° 439674 rendue en urgence dimanche 22 mars 2020 qui précisait : « Le représentant de l’État dans le département et le maire disposent, dans les conditions et selon les modalités fixées en particulier par le code général des collectivités territoriales, du pouvoir d’adopter, dans le ressort du département ou de la commune, des mesures plus contraignantes permettant d’assurer la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques, notamment en cas d’épidémie et compte tenu du contexte local ».

Il s’agit ici de permettre dès à présent aux Préfets éventuellement de prendre ou de coordonner les arrêtés de couvre-feu lorsque les circonstances locales le justifient et que les mesures de confinement ne sont pas respectées notamment en soirée.

S’agissant de l’article 8, il impose la fermeture immédiate des marchés forains couverts ou non.

Cependant et selon la formulation retenue, le Préfet peut, après avis du Maire, accorder une autorisation d’ouverture « des marchés alimentaires qui répondent à un besoin d’approvisionnement de la population si les conditions de leur organisation ainsi que les contrôles mis en place sont propres à garantir » la santé publique et les interdictions de rassemblement de plus de cent personnes.

En outre, l’article 7 du décret interdit la réunion de manière simultanée « de plus de 100 personnes en milieu clos ou ouvert » jusqu’au 15 avril 2020.

Là encore, le Préfet pourra :

  • Autoriser à titre dérogatoire les rassemblements, réunions ou activités « indispensables à la continuité de la vie de la Nation», sauf si les circonstances locales s’y opposent ;

 

  • Interdire ou restreindre, par des mesures réglementaires ou individuelles, les rassemblements, réunions ou activités ne relevant pas du premier alinéa lorsque les circonstances locales l’exigent.

 

L’article 8 précise également, en son IV, que les établissements de culte restent ouverts mais que tout rassemblement y est interdit (ils ne sont donc ouverts que pour les prières et recueillements individuels) à l’exception des cérémonies funéraires dans la limite de 20 personnes.

Enfin, l’article 12 du décret prévoit la réquisition de tous les stocks de masques de protection respiratoire détenus par toute collectivité ou toute entreprise ou association et ce, afin de les redistribuer prioritairement aux professionnels de santé et aux patients. Il s’agit des masques de type FFP2, FFP3, N95, N99, N100, P95, P99, P100, R95, R99, R100.  Sont également concernés les stocks de masque anti-projections respectant la norme EN 14683 détenus par les entreprises qui en assurent la fabrication ou la distribution. Sont également réquisitionnés les mêmes masques produits sur le territoire national à compter de ce jour.

Ces dispositions ne sont applicables qu’aux stocks de masques déjà présents sur le territoire national et aux masques produits sur celui-ci.  Des stocks de masques importés peuvent toutefois donner lieu à réquisition totale ou partielle, par arrêté du ministre chargé de la santé, au-delà d’un seuil de cinq millions d’unités par trimestre par personne morale.

Emmanuelle VIEUX-ROCHAS, Avocate